Toutes les critiques de Khamsa

Les critiques de Première

  1. Première
    par Isabelle Danel

    La question de l’appartenance hante le cinéma de Karim Dridi depuis Pigalle. Khamsa ne faillit pas à cette obsession en racontant le chemin semé d’embûches de Marco, gamin de 11 ans échappé d’un foyer pour revenir dans sa communauté, un camp de Gitans à Marseille. Le lieu est sans doute encore un peu plus délabré qu’à son départ, mais les rites d’enfance – plongeons, blagues, bagarres, invectives et rapines – sont les mêmes. Pourtant, Marco, gitan par son père et arabe par sa mère, morte alors qu’il était petit, ne trouve sa place nulle part. Ce portrait sur le vif et sans concession d’une communauté qui survit comme elle le peut mélange acteurs professionnels et personnages authentiques. Jamais esthétisant malgré la beauté des images en Scope, filmé à hauteur d’enfant, violent et dérangeant, Khamsa évite tous les voyeurismes et atteint une place de choix, quelque part entre Nobody Knows de Kore-Eda et Los Olvidados de Buñuel.

Les critiques de la Presse

  1. Fluctuat

    Sans les idéaliser, Karim Dridi pose un regard juste sur de jeunes laissés-pour-compte (gitans et maghrébins) condamnés à la débrouille. Ce 400 Coups moderne, dur et lumineux comme ses acteurs, est une réussite.Marco, mi-gitan, mi-maghrébin, a été placé dans une famille d'accueil après avoir incendié la caravane de sa mère. Quand il s'enfuit pour retourner dans son camp rom, en bordure d'autoroute, il retrouve ses amis à défaut d'une famille. Le film de Karim Dridi fait parfois penser à un Entre les murs en extérieur. Le réalisateur de Bye-Bye a, lui aussi, travaillé sous forme d'atelier avec ses jeunes acteurs amateurs. Il a ainsi pris le temps de saisir une pulsation vitale auquel son récit rend un très bel hommage. A peine adolescents, les gamins qu'il a choisis, vraiment issus d'un camp gitan, portent sur leur visage, dans leurs gestes et leurs paroles, un troublant mélange d'innocence et de dureté. La solidarité et l'énergie qui irradient de cette peinture bigarrée de trognes, déjà abîmées par l'existence, évoquent le Freaks de Tod Browning. Eux aussi vivent à part, dans des caravanes, s'aiment, se détestent pour des peccadilles mais se soutiennent pour les choses importantes. L'autre grande réussite tient au langage, mélange d'insultes préfabriquées et vides de sens, d'accent marseillais et d'agressivité mal contrôlée, qui sonne parfaitement juste. A tel point qu'on pense parfois à la façon dont Buñuel, dans Los Olvidados, avait réussi à capter, cette langue de la rue, mouvante, qui n'existe nulle part ailleurs. Bien que fiction, le ton s'avère donc d'une précision quasi-documentaire. Ces impressions sont possibles grâce à la bonne distance à laquelle le réalisateur a su se placer pour observer les enfants. Il n'y a ni condescendance, ni jugement dans le regard de Dridi quand il regarde les prises de becs de ces « petits coqs ». Il finit pourtant pas les rendre attachants, et même beaux, grâce au format scope qui capte si bien la lumière marseillaise sur les jeunes visages butés. L'utilisation de ce format large présente aussi l'avantage de les intégrer, au cours de plans séquences efficaces, dans l'univers particulier où ils sont coincés, en bordure de voies rapides, à proximité des chantiers navals de Marseille. Ainsi, saisit-on parfaitement la topographie qui entoure le camp, placé au bout d'un no man's land ignoré de tous, entre la mer, l'industrie, et des voies de communication (voie ferrées, autoroutes, port) qui, paradoxalement, semblent dédié à tous, sauf aux gens du voyage. Au final, un très beau regard sur un milieu ignoré pour un très beau moment de cinéma, juste et honnête.KhamsaDe Karim DridiAvec Marco Cortes, Raymond Adam, Magalie ContrerasSortie en salles le 8 octobre 2008Illus. © Rezo Films   - Exprimez-vous sur le forum cinéma- Lire le fil réalisateur sur le blog cinéma- Lire la critique de Fureur (2003)

  2. Pariscope
    par Virginie Gaucher

    Marco fait les « 400 coups », du vol de scooter à celui de sacs à l’arraché, au cambriolage plus sérieux, en passant par les combats de coqs, les bagarres avec les « bicots »… En dépit de la main de Fatma porte-bonheur qu’il arbore, les rêves du garçon se brisent au fur et à mesure, dans cette vie décevante, aussi décevante que ce foutu python refusant obstinément de bouffer les souris qu’on lui offre ou que le coq Tyson, passeport pour un hypothétique voyage en Espagne. Non, la misère n’est pas moins pénible au soleil. Plus crue, elle met à nu leur misère physique et morale d’un enfant en équilibre précaire. Le réalisateur de « Pigalle » et de « Bye bye » adopte une mise en scène classique pour filmer une enfance sans tendresse, avec de formidables acteurs non professionnels. Des « Olvidados » d’aujourd’hui, filmés avec énergie. Celle du désespoir ?