Claude Lelouch en chansons- épisode 4
DR/ Les Films 13

A l’occasion de son Ciné- spectacle Symphonique, voyage musical à travers ses œuvres, le cinéaste nous dévoile les secrets de fabrications de quelques- unes des chansons culte de ses films. Cette semaine : focus sur Il y a des jours et des lunes et Itinéraire d’un enfant gâté.

Ce ne devait être qu’un one shot ! En novembre dernier, pour célébrer tout à la fois son 85ème anniversaire ses 50 films et une carrière de plus de 60 ans, le Palais des Congrès de Paris accueillait « Claude Lelouch - Le Symphonique », un spectacle comme un voyage en musique et en images dans sa filmographie, où les musiciens de la formation Symphonique interprétaient les plus belles musiques de ses longs métrages sur un montage inédit projeté sur un écran géant. Mais une salle comble et enthousiaste ne pouvait que donner lieu à des rappels. Alors à partir du 10 novembre, « Claude Lelouch - Le Symphonique » s’offre une balade à travers la France, après être passé par la salle Pleyel à Paris le 15 novembre. L’occasion pour Première d’aller à la rencontre du cinéaste pour qu’il nous parle des chansons devenues cultes qui peuplent son cinéma. 

Vous dirigez pour la première fois Philippe Léotard dans Le Chat et la souris en 1975. Vous le retrouvez l’année suivante dans Le Bon et les méchants. Puis en 1989, dans Il y a des jours et des lunes, vous lui offrez un rôle de chanteur, carrière qu’il va embrasser l’année suivante avec l’album A l’amour comme à la guerre, récompensé du Grand Prix de l’Académie Charles- Cros, dont il interprète devant votre caméra un des titres : « Ch’te play plus »…

Claude Lelouch : J’aime les acteurs. Sans eux, je ne suis rien. Mais j’adore aussi les musiciens. Ils sont encore plus fous que les acteurs. Si les paroles restent, les notes de musique, elles, s’envolent. Elles vont au ciel. La musique s'adresse à notre irrationnel. C'est le langage du divin. Et avec tout ce que j'ai vécu avec la musique, je suis devenu de plus en plus croyant ! (rires) Car j'ai assisté à plein de miracles. La musique, c'est le premier médicament que je prends quand je ne vais pas bien, quand j'ai un coup de blues, un coup de fatigue ou même un petit mal de tête. C'est le psy idéal pour moi qui n’en ai jamais consulté. Pour revenir à Philippe, c’est évidemment d’abord un acteur. Et puis à un moment donné, il a découvert qu'il avait une voix. Il s’est mis à écrire des chansons et il écrivait merveilleusement bien. Sa chance a aussi été à ce moment- là de tomber sur l’accordéoniste Philippe Servain. Ils se sont trouvés, un peu comme Francis Lai et moi


 

Que vous inspirait Philippe Léotard ?

Je l’adorais. Je l’ai hébergé chez moi à Montmartre, après quelques- unes de ses ruptures amoureuses quand ses compagnes l’avaient mis  à la porte. Je l’ai programmé dans le petit théâtre que j’avais à l’époque où il a donné quelques- uns de ses plus beaux concerts. Et logiquement, j’ai aussi fait appel à son talent de chanteur dans Il y a des jours et des lunes et Tout ça pour ça. J’ai été le voir à l’hôpital jusqu’à ses derniers jours. Il m’aimait beaucoup… car je venais en douce avec des bouteilles de pinard qu’il planquait sous son matelas ! On lui avait tout interdit alors qu’il se savait cuit. Alors foutu pour foutu, il voulait profiter de ces ultimes petits plaisirs. C’était un amour d’homme. Il ne trichait jamais. Sur un plateau, sur scène comme dans la vie. Je l’ai aimé pour la même raison pour laquelle j’ai aimé Brel. Cette incapacité à tricher avec les autres comme avec eux- mêmes


 

Jacques Brel que vous avez évidemment dirigé dans L’aventure c’est l’aventure mais dont deux des chansons – Isabelle et Une île – accompagnent aussi Itinéraire d’un enfant gâté

Si Brel avait été une femme, je l’aurais épousé ! C'était vraiment l'homme idéal pour moi. Un poète. Un aventurier surtout. Un mec qui prenait des risques tout le temps. Un jour, on est parti tous les deux à Genève avec son petit avion à un seul moteur. Et au moment où on est arrivé au- dessus de l’aéroport, la tour de contrôle nous a demandé de ne pas atterrir car il y avait trop de brouillard. Mais Jacques n’a rien voulu entendre. Je lui ai suggéré d’aller se poser à Chambéry mais rien n’y a fait. Lui voulait atterrir à Genève un point c’est tout. On ne voyait rien mais lui m’assurait que la piste était droit devant nous. J’ai eu la peur de ma vie ! Mais on a bien fini par se poser et ce n’est qu’une fois sur la terre ferme qu’il m’a avoué ne pas en avoir mené large. On a fait une fête du tonnerre ce soir- là !  Donc pour moi, le personnage d’Itinéraire d’un enfant gâté, c’est Brel. J’ai pensé à lui pour écrire Sam Lion que campe Jean- Paul (Belmondo). C’est comme si le film tout entier lui était dédié


 

Claude Lelouch- Le Ciné- spectacle symphonique. Le 1er décembre au Zénith de Caen. Le 3 décembre au Zénith de Lille