Jean-Louis Trintignant
ABACA

L’acteur d’Un homme et une femme, d’Amour et du Grand Silence avait 91 ans.

On apprend aujourd’hui, vendredi 17 juin, la mort de Jean-Louis Trintignant, "paisiblement, de vieillesse", acteur génial et essentiel, à la filmographie pléthorique riche de 130 titres ("ça fait 100 de trop", nous disait-il récemment en souriant). Et Dieu… créa la femme de Roger Vadim, Le Fanfaron de Dino Risi, Le Combat dans l’île d’Alain Cavalier, Un homme et une femme de Claude Lelouch, Z de Costa-Gavras, Ma Nuit chez Maud d’Eric Rohmer, Le Grand Silence de Sergio Corbucci, Le Conformiste de Bertolucci, Sans mobile apparent de Philippe Labro, Le Mouton enragé de Michel Deville, Le Bon Plaisir de Francis Girod, Vivement dimanche ! de François Truffaut, Regarde les hommes tomber de Jacques Audiard, Amour de Michael Haneke… Son parcours ne fait pas que dessiner l’exigence artistique d’un acteur hors-norme, il raconte aussi sept décennies de cinéma – français, bien, sûr, mais aussi italien.

Né en 1930 à Polienc, près d’Uzès, Jean-Louis Trintignant était monté à Paris au début des années 50, comme on disait à l’époque, pour étudier à l’IDHEC (Institut des hautes études cinématographiques) dans l’espoir de devenir réalisateur. Il prend en parallèle des cours de théâtre et se fait connaître du grand public grâce au retentissement monstre d’Et Dieu créa la femme, en 1956, puis à sa liaison très médiatisée avec sa partenaire Brigitte Bardot, qui vont imposer son image de jeune premier. Une image qui prendra encore plus d’ampleur dix ans après grâce au triomphe international d’Un homme et une femme (Palme d’or à Cannes), mais qu’il va aussi passer sa carrière à torpiller, en jouant de son charme ambigu, menaçant, de son sourire tour à tour enjôleur et carnassier, de sa voix volontiers cassante, violente. Dans les années 60 et 70, à coups de choix aventureux où il se révèle aussi à l’aise chez Rohmer que chez Jacques Deray, il va proposer une sorte de troisième voie face aux mastodontes du star-system Delon et Belmondo. Un peu comme les Kinks, au sein du rock anglais, étaient une alternative aux Stones et aux Beatles. Trintignant incarnait une autre idée de la masculinité seventies, plus raffinée, plus dandy et peut-être au fond plus dangereuse et désirable.

Jean-Louis Trintignant (1930-2022) : "J’ai tourné dans 130 films, ça fait au moins cent de trop"

Réalisateur atypique à ses heures (Une journée bien remplie en 1973, Le Maître-nageur en 1979, deux échecs devenus cultes), il fut aussi coureur automobile, pilote trompe-la-mort, et cultivait l’image d’un acteur dilettante, détaché, qui annonçait régulièrement vouloir arrêter le cinéma – l’idée lui trottait déjà dans la tête dans les années 70, puis faillit être mise à exécution après Ceux qui m’aiment prendront le train (de Patrice Chéreau, en 1998), après Amour (pour lequel il reçoit un César en 2013), puis encore après Happy End, toujours d’Haneke, avant que Claude Lelouch ne le convainque d’apporter une coda au mythe Un homme et une femme avec Les plus belles années d’une vie en 2019... Son visage vieillissait superbement et sa voix ne cessait pas de fasciner, elle était devenue au fil du temps synonyme de leçon d’élégance. Personne n’a oublié sa citation de Jacques Prévert lors de la cérémonie de clôture du Festival de Cannes 2012 – « Et si on essayait d’être heureux, ne serait-ce que pour donner l’exemple ? » – dite avec le parfait mélange de tendresse infinie et de détachement ironique, qui vous arrache un éclat de rire tout en vous brisant le cœur.