Affiches Films à l'affiche mercredi 19 juillet 2023
Universal Pictures/ Warner/ Metropolitan Filmexport

Ce qu’il faut voir en salles

L’ÉVÉNEMENT
OPPENHEIMER ★★★☆☆

De Christopher Nolan

L’essentiel

Moins un biopic sur le « père de la bombe atomique », qu’une étude de cas sur un être insaisissable, Christopher Nolan va au bout de sa logique, jusqu’à l’usure.

Des flaques d’eau brouillées par une pluie fine. Ainsi débute le nouveau Christopher Nolan. Le monde vibre imperceptiblement aux pieds d’un géant, Robert Oppenheimer, « le père de la bombe atomique », son visage grave transpercé de deux yeux bleus à l’étrange intensité (le magnétique Cillian Murphy) apparaît en contre-plongée. Un être tourmenté, rongé par une culpabilité sans cesse renouvelée, l’homme en question ayant bien failli réduire en cendres cette humanité, la saillie du cinéaste n’a rien d’insensée. 

Nous sommes au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, les Etats-Unis ont balancé sur Hiroshima et Nagasaki deux bombes atomiques, persuadé d’avoir ainsi « pacifier » le monde. Oppenheimer, moins enthousiaste, préfère prévenir Truman qu’une Guerre Froide est à craindre et qu’une entente avec les soviétiques autour du nucléaire pourrait l’éviter. Sacrilège. Il faut écarter au plus vite ce casseur d’ambiance, ce briseur de rêve américain. C’est le fil rouge du film de Nolan. Plus qu’un biopic, un film de procès ou plutôt d’une parodie de procès, autour d’un accusé acculé par un rapport du FBI épais comme un champignon atomique. Un film estival de près de trois heures sur un personnage clivé et clivant, aussi nébuleux que peut l’être pour le profane son domaine de prédilection (la physique quantique). Un blockbuster sans cascades, volontairement monotone car souvent inaccessible (Oppenheimer reste un mystère) mais qui, par la grâce d’une mise en scène habitée (montage ahurissant, déstructuration permanente du récit, gestion peu commune du rythme ...) parvient tout de même à captiver.

Thomas Baurez

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PREMIÈRE A AIME

BARBIE ★★★☆☆

De Greta Gerwig

En 2019, on apprenait que le premier film Barbie en live action de l’histoire serait écrit par Greta Gerwig et Noah Baumbach. Pourquoi avaient-ils accepté un tel projet ? Quelle mouche avait bien pu piquer Warner Bros. et Mattel pour le leur confier ? Quatre ans plus tard, Barbie arrive au cinéma et on comprend vite que Greta Gerwig s’est amusée comme une folle à l'écrire et le tourner. Ce même plaisir qu'on prend en le visionnant. Son Barbie n’hésite pas à mettre les pieds dans le plat, opposant le fantasme de la Barbie symbole d’émancipation féminine, qui règne en maitresse sur Barbie Land, à la cruauté du monde réel, où elle incarne plutôt les symptômes du sexisme et du capitalisme. Et il utilise ce jeu de miroir comme un prétexte parfait pour questionner notre société, comme le monde de Barbie.

Barbie n'est pas un film mais une somme de films. Un film sur Barbie, un film sur Ken, un film sur le patriarcat et le féminisme, un film sur une relation compliquée entre une mère et sa fille. Et, ne nous leurrons pas, parfois une publicité géante destinée à nous refourguer du merchandising. Mais surtout pas une litanie de références et de clins d’oeil sans âme à la Super Mario Bros. Ni un trou noir meta pop façon La Grande Aventure Lego. Barbie préfère invoquer Le Magicien d’Oz, Les Chaussons rouges et Les Demoiselles de Rochefort que Batman et Star Wars !

Edouard Orozco

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LES OMBRES PERSANES ★★★☆☆

De Mani Haghighi

Coincée dans les embouteillages d’une ville de Téhéran noyée sous une pluie torrentielle, une monitrice d’auto-école aperçoit un homme ressemblant comme deux gouttes d’eau à son mari entrer dans un immeuble pour commettre un adultère. Aurait-elle rêvé ? Il va en fait s’avérer pour ce couple émoussé par plusieurs années de mariage qu’il existe bel et bien un autre couple formé par un homme et une femme ayant exactement les mêmes traits qu’eux mais présentant des caractères opposés aux leurs. Développant le thème du double, Mani Haghighi offre une vertigineuse réflexion sur l’érosion des sentiments. À la frontière du récit fantastique et du thriller social, il trouve une habile façon de critiquer le régime fondamentaliste iranien, pour lequel il n’existe pas d’autre alternative que la croyance définie par le pouvoir. Emmené par un exceptionnel casting, où Navid Mohammadzadeh (La Loi de Téhéran) et Taraneh Alidoosti (Le Client) jouent chacun un double rôle, le film réussit un puissant tableau des désillusions de l’Iran contemporain.

Damien Leblanc

LES MEUTES ★★★☆☆

De Kamal Lazraq

S’emparant avec brio du genre des thrillers nocturnes où un enchaînement d’accidents imprévus s’abat sur les personnages, le premier long métrage de Kamal Lazraq surprend par sa dimension mystique et envoûtante. Situé à Casablanca, ce film très immersif raconte ainsi comment un père et son fils, initialement chargés de kidnapper un homme, vont batailler toute une nuit pour se débarrasser du corps. Le duo familial, issu des quartiers pauvres de la ville, croise une galerie d’individus aux visages hypnotisants et se débat autant avec la superstition (la peur d’être damnés) qu’avec la violente réalité d’un univers criminel semblable à un cauchemar sans fin. Parfois amusant par son ironie tragique, ce conte macabre incarné par un casting non professionnel nous maintient jusqu’au bout dans un épatant état d’hallucination.

Damien Leblanc

NAVIGATORS ★★★☆☆

De Noah Teichner

En 1924, Buster Keaton réalise La Croisière du Navigator, une comédie cocasse qui raconte l’histoire d’un couple enchaînant les bouffonneries sur un bateau. Le décor du film, un véritable navire, cache pourtant un secret : avant de figurer dans ce sommet du cinéma burlesque, il a servi à la déportation de 249 anarchistes et révolutionnaires communistes… Noah Teichner s’empare de cette histoire saisissante au travers d’un documentaire exigeant, dans lequel il réussit à tisser un lien fort entre les textes de deux révolutionnaires communistes, Alexander Berkman et Emma Goldman, et des images de films de Keaton, habilement détournées grâce à une utilisation ingénieuse du split-screen, qui vient transformer la matière comique en composante historique.

Yohan Haddad

DE NOS JOURS… ★★★☆☆

De Hong Sang-soo

Revoilà Hong Sang-soo ! Quatre mois après La Romancière, le film et le heureux hasard, le plus prolifique des réalisateurs coréens revient à la charge avec un nouvel objet filmique qui ne ressemble qu’à lui. En filmant les portraits croisés d’un vieux poète alcoolique et d’une actrice recevant de jeunes admirateurs à leur domicile, le cinéaste laisse de côté les rencontres fortuites pour mieux se pencher sur la notion de transmission, versant un peu de lui-même dans chacune de ces deux figures paternalistes dictant à de jeunes gens les bases d’une vie idéale. S’il ne sort pas vraiment de sa zone de confort, le cinéaste parvient toutefois à sublimer le réel, transformant l’art de la parole en poésie abstraite, indicible à l’oreille mais symbole d’une réflexion comme lui seul est capable d’en proposer.

Yohan Haddad

CAITI BLUES ★★★☆☆

De Justine Harbonnier

C’est l’histoire d’une femme qui a eu des rêves et a peu à peu appris à les laisser de côté. Terriblement ordinaire. Universel, même. Petite, Caiti Lord s’est imaginée starlette de la musique et se retrouve aujourd’hui serveuse dans un bar perdu des States (au Nouveau-Mexique). Elle a 29 ans, sert des cherry cocktails, pousse la chansonnette quand il faut, anime une petite émission de radio de quartier, balade son spleen et son sourire, voit ses amis, essaie de rembourser sa dette étudiante. Espère surtout retrouver la scène. Caiti blues, documentaire présenté à l’ACID à Cannes, est un petit joyau visuel, parfaitement mélancolique. Chaque image – de la maison, du bar, des visages dans le vent – en balaie une autre, tout aussi maîtrisée. En fond, résonnent l’écho des temps modernes et de la voix oppressante de Trump. Et l’on comprend le blues, forcément politique.

Estelle Aubin

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PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIME

LA MAISON DU MAL ★★☆☆☆

De Samuel Bodin

Repéré grâce au succès de sa série Marianne, le français Samuel Bodin signe son premier long métrage aux Etats- Unis avec ce film de studio où ses belles idées de réalisation se fracassent sur les vicissitudes d’un scénario qui dévoile toutes ses clés de lecture au bout de 20 minutes, traitant encore une fois de cette thématique de l’enfant harcelé, de la maison comme habitacle de la terreur, ou encore d’une psychologie infantile de pacotille que tente de percer le personnage d’une maîtresse d’école désincarnée qui fait office de sidekick officieux.

Yohan Haddad

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SOUS LE TAPIS ★★☆☆☆

De Camille Japy

Actrice discrète au talent trop peu utilisé au cinéma, Camille Japy passe à la réalisation avec un film plus singulier que son entame – la fête d’anniversaire d’Odile réunissant son mari Jean, leurs enfants et leurs petits enfants – ne le laisse supposer. Car voilà qu’avant que tout ce petit monde arrive, Jean décède d’une crise cardiaque et que, dans un total déni de réalité, Odile décide de le planquer sous le lit, de le taire aux siens et de faire comme si de rien n’était. Un parti pris plutôt gonflé dont on se demande de prime abord comment la réalisatrice va parvenir à le faire tenir sur 97 minutes mais qui donne naissance à une variation pertinente sur le deuil, dans un équilibre élégant entre rires et larmes. Dommage qu’à trop vouloir multiplier les personnages, Camille Japy en réduise trop à des archétypes, à l’image d’un gendre tête à claque que rien ne vient sauver.

Thierry Cheze

PAULA ★★☆☆☆

De Angela Ottobah

Dans une forêt noire, une bâtisse posée près d’un lac couve un drame latent. Dedans, un père et sa fille vivotent. Puis s’affrontent. Enfin l’un plus que l’autre. Peu à peu, le papa isole sa fillette, éloigne mère et ami, supprime la nourriture, détruit sa chambre, fait tomber les cloisons. Si, au début, la tension est plutôt sourde, elle devient vite trop ostensible et univoque, s’enfonçant dans l’effroi de l’inceste. Le dispositif qui était simple, devient in fine sommaire. 

Estelle Aubin

 

PREMIÈRE N’A PAS AIME

LES AVANTAGES DE VOYAGER EN TRAIN ★☆☆☆☆

De Aritz Moreno

Dans un train qui la ramène de l’hôpital psychiatrique où elle a fait interner son mari, une éditrice fait la connaissance d’un docteur qui lui raconte des cas cliniques plus sordides les uns que les autres. Le début d’un récit façon poupées russes où il sera question de pédophilie, de snuff movies, d’humiliations faites aux femmes... On perçoit le désir de comédie noire cruelle et incorrecte. Mais en surlignant tous ses effets, Aritz Moreno passe à côté de son film. N’est pas Ferreri qui veut.

Thierry Cheze