Spiderhead
Netflix

Avec Miles Teller et un Chris Hemsworth en roue libre.

Alors que Top Gun : Maverick, le précédent film de Joseph Kosinski, est encore en train de ravager le box-office aux quatre coins de la planète, voici déjà pour lui l'heure du "film d’après" : Spiderhead, thriller SF labellisé Netflix, avec Chris Hemsworth et Miles Teller. Pas tant le signe d’une boulimie créative de la part du réalisateur que la conséquence de l’embouteillage des sorties post-COVID – le tournage de Spiderhead a commencé fin 2020, l’année où Top Gun 2 devait initialement sortir au cinéma. Le film, d’ailleurs, a le look confiné et l’atmosphère claustro de ces œuvres mises en boîte alors que l’industrie apprenait à travailler selon les protocoles sanitaires – un huis clos, une poignée de personnages, et des murs contre lesquels se cogner la tête. 

Dans un centre de détention ultra-secret, dont l’architecture évoque le repère d’un méchant de James Bond, ou le décor d’un nouveau Christopher Nolan, se niche le labo high-tech d’un scientifique survolté (Chris Hemsworth), qui expérimente des drogues de synthèse sur des prisonniers ayant accepté de jouer aux cobayes (dont Miles Teller, dans son troisième Joseph Kosinski d’affilée après Line of Fire et Top Gun : Maverick). Les drogues en question portent des noms évocateurs (Lovactine, Ténébraxx…) et visent à transformer le comportement, les émotions et les sentiments des sujets, comme dans une sorte de variation chimique sur l’expérience de Milgram. Mais les intentions du suave savant sont-elles aussi nobles qu’il le prétend ?

Adapté d’une nouvelle de l’écrivain George Saunders publiée dans le New Yorker (le vénérable magazine new-yorkais produit d’ailleurs le film via sa division ciné), Spiderhead déroule son historiette SF sans charme ni mystère. Le vague intérêt suscité par les prémisses de l’intrigue s’évapore très vite, la faute à un rythme anémique, à une absence totale de suspense, et à la prestation en roue libre de Chris Hemsworth, quelque part entre le tech-gourou cintré, le loup de Wall Street à lunettes et le Docteur Folamour cocaïné, qui se trémousse sur du Roxy Music à la nuit tombée. Les difficultés de l’acteur à rendre crédible son personnage de savant fou sont raccords avec un film qui ne trouve jamais son ton, entre SF "prophétique" vaguement psyché et comédie noire rythmée par des tubes FM des années 70-80, utilisés ironiquement (Supertramp, Hall and Oates, et le "She Blinded Me With Science" de Thomas Dolby en guise d’hymne). On reconnaîtra ici ou là des éléments empruntés à The Island, à Black Mirror, au Alex Garland d’Ex Machina et de Devs, ainsi que cette espèce de néo-expressionisme technophile qui agitait déjà les deux premiers longs du réalisateur, TRON : l’héritage et Oblivion… Mais on préfère Kosinski quand il dialogue avec le fantôme de Tony Scott.

Spiderhead, de Joseph Kosinski, avec Chris Hemsworth, Miles Teller, Jurnee Smollett… Durée 1h47. Sur Netflix.