Toutes les critiques de Aniki, mon frère

Les critiques de la Presse

  1. Fluctuat

    Comment vivre sa vie quand les règles du jeu ne sont plus les mêmes ? Comment retrouver une famille quand la sienne vous a quitté ? Takeshi Kitano, avec son premier film en territoire américain, nous livre une ballade calme et violente à la fois, dans laquelle un yakuza sera confronté à un monde nouveau.
    Le film commence de travers. Littéralement de travers, l'image montre la brillance bleue des vitres d'un grand building. Nous sommes à Los-Angeles. Sur le trottoir d'un aéroport international, un homme attend un taxi comme il attendrait le déluge. La caméra change d'angle. Les rues sont larges et l'environnement est froid, l'homme semble avoir peu de chance de résister à cet unvivers inconnu qui l'enveloppe.
    Il avance, va du taxi à l'hôtel sans décrocher un mot. Le monde est opaque et bruyant, autour de lui les gens s'agitent dans leur petite vie de tous les jours. Lui ne comprend pas, il ne parle pas leur langue. Les jérémiades du taxi, les courbettes du serviteur sont pour lui comme des agitations muettes. Qu'importe, l'homme paie, beaucoup, comme pour avoir la paix. Il avance dans le nouveau monde à coup de dollars et de gestes définitifs, il va droit au but et retrouve son frère.Ce frère est un dealer de coin de rue. Il ne risque pas sa vie : c'est un petit frère, un ancrage comme un autre ou plutôt parce qu'il n'y en a pas d'autres. Déchu de la mafia japonaise, l'homme vient prendre ici un pouvoir perdu. Faire ce qu'il sait faire, tuer, voler, organiser le crime et le trafic de drogue. Les règles du crime organisées, de la vendetta, il les connaît par coeur. Une seule manière : tirer dans le tas. Pas de quartier pour l'adversaire, ne pas lui faire cet honneur.Aniki veut acquérir tout le pouvoir, être le grand patron de toutes les mafias de la ville, lui qui a perdu sa "famille" au pays du Levant. Peut-être par fierté blessée, peut-être par ennui, peut-être pour aller au bout de ses limites dans une forme d'hara-kiri, il s'offre une ballade au pays des gangsters.
    Cette application des codes d'honneurs japonais aux bandes de petites frappes de Los-Angeles se fait sur le mode du film noir américain. Retravaillant ici les formes, Kitano évite pourtant les grossières citations plaquées et certains plans convenus retrouvent une virginité oubliée dans sa mise en scène.Aniki et ses hommes sont des frères d'armes. Ils plient leurs corps aux exigences du milieu, se coupent un doigt pour prouver leur attachement à leur parrain japonais. Ils acceptent de mourir pour leur camp comme on accepte de mourir pour une cause politique : avec passion et dévotion. Le frère devient un frère de sang parce qu'il partage le même sang répandu, la même mort.
    Si une blessure par balle est universellement la même, les règles de l'art criminel nippon ne sont pas adaptées aux règles de la mafia capitaliste occidentale pratiquée chez les yankees. Aniki et ses corps complices ne résisteront pas à une chute implacable face aux mafieux en place. Au rythme de cette ballade au charme de l'innocence, le clan meurt peu à peu en découvrant un amour infini, celui d'un frère à la présence protectrice et discrète...Aniki, mon frère
    Réal : Takeshi Kitano
    Avec : Takeshi Kitano, Omar Epps, Masaya Kato
    Japon - 2000 - 1h54
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