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La réalisatrice évoque leur évolution dans le temps.

Sorti le 2 juin dernier, Petite Maman est le film le plus récent de Céline Sciamma. Présenté lors de la Berlinale 2021 et en lice pour l'Ours d'or, cette histoire familiale s'inspire directement de l'enfance de sa réalisatrice, et témoigne à nouveau de l'implication personnelle de Sciamma dans ses films. Sa filmographie représente son évolution, en tant que femme mais aussi en tant qu'artiste, et c'est au regard de cette évolution que la réalisatrice a pris le temps, au cours d'un entretien avec le New York Times, de revenir sur certaines de ses créations et leur évolution dans une époque sans cesse mouvante. 


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Évoquant en premier lieu son tout premier long métrage Naissance des pieuvres, sorti en 2007, Sciamma explique y avoir tourné sa toute première scène de viol, sans s'en rendre compte. "Comment tourner une scène de viol, si je devais le faire ?" Après s'être posé cette question, la réalisatrice prend conscience de l'avoir fait avec le personnage d'Anne dans Naissance des pieuvres, personnage qui a le béguin pour un beau sportif. Un soir, il se présente à sa porte et commence presque immédiatement à avoir des relations sexuelles avec elle. Il n'y a pas de baiser. Dans une scène ultérieure, le sportif dit à Anne qu'il l'aime vraiment et tente de l'embrasser. Elle se penche vers lui et lui crache dans la bouche. Cette scène, qui avait en 2007 fait scandale par sa violence, est aujourd'hui acclamée par la jeune génération : lors d'une projection scolaire organisée par Adèle Haenel dans un lycée, les élèves ont applaudit là où plus de dix ans avant les spectateurs avaient hué l'écran. Cette évolution des mentalités est bénéfique, elle montre la modernité de Sciamma à représenter la réalité des femmes.


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Pour autant, cette réalité est parfois questionnée, notamment avec son troisième long métrage Bande de filles (2014). Pour Céline Sciamma, ce film est le seul qu'elle regrette : "Il est problématique aujourd'hui (...) ce qui signifie qu'il l'était déjà à l'époque." Suivant le personnage de Marieme, jeune habitante d'une banlieue française en pleine quête d'identité, Bande de filles avait fait sensation au moment de sa sortie : son casting est presque exclusivement noir. Acclamé par la presse, le long n'a finalement pas été aussi représentatif que voulu, et pour cause, de nombreuses militantes féministes noires ont refusé le déterminisme social qui leur était donné à voir. "Pour moi, c'est vraiment simple. Si des gens que vous considérez comme des alliés politiques vous disent : 'Cela n'aide pas la révolution. Cela ralentit même la révolution', alors ils ont raison. C'est tout", conclut Sciamma. 


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Finalement, l'évolution de ses films s'applique aussi à sa pratique du cinéma. Très libre dans sa façon de faire des films aujourd'hui, Céline Sciamma s'est affranchie des codes du cinéma classique, non sans difficultés. A propos de Tomboy, son deuxième long métrage sorti en 2011, la réalisatrice évoque par exemple une scène alors difficile à tourner, et qu'elle considère aujourd'hui comme de la torture. Dans cette scène, le personnage principal est forcé de porter une robe. Aujourd'hui libérée des diktats cinématographiques (comme le prouve Portrait de la jeune fille en feu), Céline Sciamma dit qu'elle ne filmera plus jamais une telle scène, mais à l'époque elle pensait devoir se forcer pour continuer de "suivre les règles". Une mentalité bien loin de celle de la réalisatrice aujourd'hui.


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